Dans ma maison, qu’y met-on ?
du thon
un bond
des gonds
un lion
un pion
Dijon
du bœuf mironton
un dindon
un crayon
du coton
un basson
des croûtons
un ballon
un camion
des moutons
des bidons
des bonbons au citron
des macarons
un polochon
des pantalons
des cotillons
un potiron
un édredon
un saucisson
un caleçon
un médaillon
et font et font les mirlitons
un bouton
un melon
un caisson
un boulon
un loup blond
un breton
un bourguignon
des consultations
des « qu’en dira-t-on ! »
et dans le salon,
tout en haut de l’escalier en colimaçon,
des discussions
des altercations
des contestations
des oui, mais non
des décisions
la révolution
Mireille B.
************************************************************************************************
Dans une maison, on trouve :
La chaleur du poêle dont les flammes viennent noircir la vitre qu’on tente désespérément de garder propre
et un lit douillet dans une chambre où il fait 17°C.
Les rires d’enfants qui nous agacent
et les miaulements incessants des chats qui nous font sourire
à moins que ce ne soit le contraire.
La musique de la chaîne hifi qui se faufile dans toutes les pièces
Et un cocon douillet où l’on aime se retrouver au calme.
De l’eau chaude dans une douche à l’italienne
Et des conversations sur la pluie et le beau temps.
Des photos de famille qui ont trop vu le soleil
Et des jouets qui ne voient pas assez leur étagère.
Du repos avec un bon livre au coin du feu
Et des jeux d’enfants dont on a oublié de retirer les piles.
De la convivialité autour d’un bon repas convoité par les chats
Et les cris d’une dispute devant des chats médusés.
La résonnance étrange du vide dans une pièce meublée
Et l’absence de l’occupant qui est parti avec son âme.
L’amour et la tendresse malgré le quotidien
Et le partage de ce que l’on voudrait garder pour soi.
De la sécurité avec une porte fermée à double tour
Et des portes fenêtres laissées ouvertes toute une journée.
Une brosse à dents en poils de Dieu sait quoi
Et une balayette qui sert de brosse à cheveux au petit dernier.
Des vêtements trop grands
Et une bibliothèque trop petite.
Alexandra
*******************************
Une pièce de la maison:
Je suis la pièce que l’on adore ou que l’on déteste. En tous cas, je ne laisse pas indifférent. Vous me trouvez prétentieuse ? Pourtant, je ne fais que répéter ce que j’entends.
Je me souviens que ma première propriétaire passait presque tout son temps avec moi. Elle trouvait que je sentais bon le chocolat, le jus de viande au romarin et même le chou-fleur ! Elle me rapportait souvent des cadeaux, comme des robots hachoirs ou bien le dernier cri des pieds plongeurs. Les couleurs chaleureuses de cet électroménager égayaient mes étagères et maquillaient les petites rayures gravées sur mon plan de travail patiné par le temps.
A l’époque, je donnais ouvertement sur le salon et je partageais mes odeurs alléchantes avec les visiteurs qui s’aventuraient volontiers sur mon territoire pour glaner quelques petits fours esseulés dans une assiette. Je respirais la vie et la convivialité des humains, et je cohabitais avec le salon en toute amitié complice.
Le temps passe et ma douce propriétaire s’en est allée. Et, malheureusement, un jour, ils sont arrivés. Eux, cette famille sans cœur et sans casseroles. Ils ont remonté le mur entre mon ami le salon et moi, m’isolant, me rétrécissant, me mal-aimant. Car cette famille-là ne supporte pas les odeurs de cuisine que seul le pauvre micro-ondes laisse encore échapper de plats surgelés maigrichons.
La lumière terne du plafonnier vient maintenant éclairer ma morne vie. Je vieillis. J’oublie l’odeur du romarin, le rire des invités, les « humm » amoureux d’une cuisinière en extase devant un plat réussi. Le seul qui s’extasie encore sur mon carrelage, c’est le chat devant sa boîte de pâté.
Ah, je rendrais bien mon tablier. Qu’est-ce que j’aimerais être un salon !
Alexandra
***
« La sorte de silence qui suivait leur départ je l’ai en mémoire. Rentrer dans ce silence, c’était comme rentrer dans la mer. » – Marguerite Duras
L’appartement se figeait soudain, et je restais plantée là. Plus un bruit alentour, et pourtant, un bourdonnement assourdissant envahissait peu à peu mon crâne, comme des vagues qui viendraient se fracasser sur l’intérieur de mon front.
Je vacillais. Je fermais les yeux et le bruit se faisait encore plus présent. J’étouffais un sanglot, je manquais d’air, je perdais du temps, j’avalais les mots au lieu de les libérer.
Je ne pouvais pas rester là, terrorisée. Je jetais un regard circulaire – seuls mes yeux n’étaient pas paralysés par l’angoisse – et je ne reconnaissais plus cet endroit pourtant si familier, mon cocon familial.
Sans eux, je n’étais plus qu’une ombre agonisante se découpant sur le mur du salon, une silhouette empalée par l’ombre du montant de la fenêtre. De l’air, il me fallait de l’air. Forçant douloureusement le passage jusqu’à mes poumons, il me laissait enfin expirer un violent crachat de mots : « Papa, Maman, attendez-moi ‼ » Et je finissais par courir derrière la voiture à en perdre haleine.
Non, je n’ai jamais supporté le silence qui suivait leur départ, et c’est pour cela que je ne les ai jamais laissés partir sans moi. Car c’était eux, ma maison.
Alexandra
************************************************************************************************************
« Mais si on ne jette pas, si on ne se sépare pas, si on veut garder le temps, on peut passer sa vie à ranger, à archiver la vie ». La maison de Margueritte DURAS
Non !!! Mon écharpe trouée je veux pas la jeter. C’est une Kenzo quand même !!!!
La casserole sans queue non plus. Elle me sert bien quand je fais des caramels !!
Allez. Je garde tout. Je jetterai plus tard!! Ou pas…
Ca s’accumule, ça prend de la place mais…
Ah… La plante desséchée de la mémère… J’peux pas m’en séparer !!! Je la garde aussi…
Mais j’vais la mettre où ??!!
Ah… Je verrai plus tard…
Virginie V.
***
Ça fait 4 ans que je prends la poussière là, dans son salon. Bon. Y’a eu un déménagement qui a permis de faire un grand ménage mais bon…
Je viens de Suède moi quand même !! Enfin, j’ai été acheté chez Ikéa, mais au départ, je viens de là-bas !! Je suis un cadeau de son amoureux !!! Et oui !!! Je suis précieux moi !!!!
Elle dit que je suis couleur taupe. C’est pas très gratifiant !!! J’aurais préféré couleur mauve satiné ou soleil d’été ou bleu roi ou corail ou marron chocolat !!!
Mais bon. Suis couleur taupe… En même temps, même les mûrs sont taupes !! Du coup, je me sens moins seul… Mais c’est d’une tristitude affligeante…
Ah pis ce canapé en face de moi, je ne le supporte plus. Bon, d’accord, elle l’habille avec des plaids colorés et des coussins assortis mais elle ne les change pas assez souvent à mon goût…
Ah pis toutes ces grandes tiges de la plante qui m’entourent et me chatouillent !! Beurk. Pis elle pousse, elle pousse !! Elle n’a que ça à faire en même temps !!! J’en peux plus !!!
Heureusement que ma copine la table basse me tient compagnie !!
Pis elle a chargé mes tiroirs avec ses CD. Tout est mélangé !!! Les Orgres de Barback avec Pascal Obispo et Jacques Brel !! Le pauvre… Y’a ses photos aussi !! Et elle a encore trouvé de la place pour m’envahir de bouquins : les Green qui fricotent avec les Gavalda et les Pancol, et les Gounelle et les Lévy mélangés aux recueils historiques sur la déportation !! N’importe quoi !! Suis pas d’accord moi !! Les livres, c’est dans la bibliothèque qu’ils devraient être !! Je peux pas tout accepter quand même !!!
Mais l’instant que je préfère, c’est le soir après la douche et le repas, quand elle allume l’halogène et les bougies, qu’elle se pose dans le canapé avec sa fille et qu’elle lui raconte une histoire. Parce que moi aussi, je peux en profiter…
Virginie V.
****************************************************************************************************************************
MAISON
Dans une maison, il y a
des pièces claires, d’autres obscures
des murs qui murmurent, des plinthes qui sussurent,
des fenêtres qui s’ouvrent et tout à coup rassurent
des volets fermés et des portes condamnées.
des portes entr’ouvertes et des clés inutilisées.
Dans la maison, il y a
l’entrée
qui pourrait aussi s’appeler « sortie » ou « espace du milieu »
tant elle est le juste lieu
pour les rires purs et les adieux chaleureux,
l’entrée avec son placard à chaussures
pas très beau, mais qui est là parce qu’il est là ;
… une chambre pour soi, une chambre aléatoire,
une cuisine grande… et sûre,
un salon couleur taupe, où l’on discute aveuglément,
un canapé rose bonbon, pour les conversations
sucrées salées saoulées sacrées…
le porte manteau triste et l’escalier toujours gai
de vieilles pommes et des poires pas mûres,
un frigo trop grand et un couloir trop étroit
des coloriages et des belles histoires
à lire aux petits le soir
Une étagère instable
des cosmétiques improbables
et quelques histoires de fric,
des cauchemars dont on a plus que marre,
une chaudière récente, une commode ancienne
un carrelage froid et des plats chauds,
des sentiments neufs et d’autres réchauffés,
Des photos souvenirs et des photos prophètes
une lampe d’ambiance et une ambiance tempête,
des gilets démodés et des jupes trop courtes,
des odeurs de petit salé, des ingrédients pour la tourte…
Une eau fraîche et un chocolat chaud
Des tapis que l’on m’a donnés,
Ceux que j’ai achetés, celui que j’ai volé.
Les secrets des bébés et ceux des personnes âgées,
les cadeaux préparés, les visites imaginées,
les compte rendus médicaux et toutes les vieilles radios,
ma chère radio et ma pauvre télé,
ma douleur apaisée, ma joie labourée
… et tout un tas de trucs électro electriques, électroniques, électro ménagers
sans oublier le téléphone qui sonne ah j’aime quand il sonne
sans négliger l’ordinateur trompeur et l’adaptateur adapté
Les livres qu’on m’a offerts
Les papiers à conserver, les bulletins de salaire
Les recettes de grand-mère et les caprices de p’tite fille
Les confitures maison et les secrets de famille
Ses BD et ses CD
comme s’ils étaient nécessaires
pour entendre, voir et toucher
ce que jamais je ne pourrai
oublier
Le courrier bien trié
et quelques chaussettes dépareillées…
Les enfants qu’on attend, les enfants qu’on entend,
les amis qui passent, les amis qui reviennent
les gens qui donnent
plus qu’ils ne prennent
Leur temps.
Les bruits de la rue, les allées et venues
des passants ralentis ou des mamans pressées
Les coups de sonnette surprise,
les enfants cachés…
Et tout ce qu’il se passe,
de ce côté-ci ou de l’autre côté…
C’est un peu tout ça « la maison »
mais c’est tellement plus que ça, une maison…
Françoise